L'Atelier n°4
(journal irrégulier du syndicat national des artistes plasticiens cgt)
avril 2003 / couverture de Malik Nounouhi
Notre Maison des Artistes & nos droits d’auteurs
Il n’y a pas si longtemps le droit de présentation publique (feu droit de monstration) occupait la Une de ce même journal. Qu’en est-il aujourd’hui ? Il existe quelques avancées qui ne doivent pas nous faire perdre de vue l’objectif : faire appliquer ce droit de manière systématique.
Dans les lieux institutionnels où la vente des œuvres est interdite
comme dans les galeries ou autres lieux privés, l’artiste plasticiens
est, presque toujours, le seul à ne pas être payé lors
de présentations de son travail (parfois même, il doit débourser
de l’argent pour exposer). Il subit un système qui s’est
peu à peu institutionnalisé en complète contradiction
avec la loi. Le droit de présentation publique peut ouvrir un champ
de rémunération aux artistes plasticiens lorsqu’ils exposent.
Rappelons en quoi il consiste.
Depuis 1957, ce droit protège les auteurs (donc les plasticiens) lors
de la présentation au public de leurs œuvres. Il s’appuie
en premier lieu sur l’article L.122-2 du code de la propriété
intellectuelle qui en défini le cadre, sur l’article L.122-4
qui en défini les atteintes ou violations et l’article L.131-4
qui en définit les modes de rémunérations et de cessions.
(voir articles de loi plus bas).
Ce droit d’auteur fait partie des droits d’exploitations des œuvres
au même titre que le droit de reproduction (qui, lui, en général,
est appliqué).
Exploitation : voilà le mot clé ! Quand une œuvre est présentée
au public, elle est exploitée. L’organisme exposant en tire une
forme de profit qu’il s’agisse d’argent, de communication,
de visibilité politique, ou de tout autre bénéfice immatériel.
Il faut donc cesser de croire (ou de nous faire croire) que les institutions
ou les entreprises n’exposent les artistes que par gentillesse ou philanthropie.
Les artistes ont le choix de faire ou de ne pas faire appliquer ce droit mais
exposer gratuitement par peur de ne pas être exposé du tout constitue
un acte qui finit par coûter cher à beaucoup d’artistes.
Si chacun fait valoir ce droit, les lieux d’expositions qu’ils
soient publics ou privés, institutionnels ou marchands intègreront
petit à petit cette donnée et la prévoiront dans leurs
budgets. Ils le font déjà avec les auteurs du spectacle vivant
qui sont, eux, généralement payés pour une présentation
publique de leur œuvre et qui sont régis exactement par les mêmes
textes de lois sur ce point.
Quelques signes laissent entrevoir des améliorations dans ce domaine.
La SAIF (société des auteurs des arts visuels et de l’image
fixe) fait appliquer le droit de présentation publique dans les institutions
et dans les lieux d’expositions où la vente des œuvres est
interdite. Elle établie pour les artistes qu’elle représente
les modalités de rémunérations via des contrats types
qu’elle adapte suivant les cas de figure. Elle a également entamé
des procédures visant à faire respecter ce droit.
La cour de cassation a reconnu l’association Paris Bibliothèques
coupable de violation du droit de présentation publique en utilisant,
sans autorisation de l’artiste, des tirages photographiques pour une
exposition : " La Cour d’appel a exactement énoncé
que l’exposition au public d’une œuvre photographique en
constitue une communication au sens de l’article L.122-2 et requiert,
en conséquence, l’accord préalable de son auteur "
. Cette décision de justice fait dorénavant jurisprudence.
Par ailleurs, le Conseil général des Côtes d’Armor
s’est engagé dans une brochure à " systématiser
le droit de monstration ".
Ces avancées sont encourageantes mais sont encore des cas isolés,
nécessitant souvent le recours à une action en justice. Il s’agit
aujourd’hui de poursuivre cette action par la pédagogie. D’expliquer
et d’imposer aux institutions et aux différents lieux où
l’on expose le droit de présentation publique et de le faire
appliquer dans tous les cas où il doit l’être. Il faut
aussi expliquer aux artistes réticents ou sceptiques que l’application
de ce droit aura finalement des effets sur la reconnaissance de leur travail
et de leur statut. Cette démarche peut être rendue plus simple
si les artistes rejoignent les sociétés d’auteurs. Le
statut institutionnel de ces sociétés pèse incontestablement
dans les négociations avec les lieux exposants. Elles offrent la garantie
du cadre juridique, du suivi, et des recours en cas de désaccords.
Elles sont aussi le moyen de mener ce travail collectivement et d’être
ainsi mieux entendu.
Les droits d’auteurs sont un des enjeux majeurs de nos professions.
Ils constitueront dans un avenir proche une source de revenus qui finira par
sortir nombres d’entre nous de la précarité ou de situations
financières difficiles. Ils contribueront également à
positionner plus clairement le statut de l’artiste plasticien.
Bruno Charzat
Article L122-2
La représentation consiste dans la communication de l'œuvre au
public par un procédé quelconque, et notamment :
1º Par récitation publique, exécution lyrique, représentation
dramatique, présentation publique, projection publique
et transmission dans un lieu public de l'oeuvre télédiffusée
;
2º Par télédiffusion.
La télédiffusion s'entend de la diffusion par tout procédé
de télécommunication de sons, d'images, de documents, de données
et de messages de toute nature.
Est assimilée à une représentation l'émission
d'une œuvre vers un satellite.
Article L122-4
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle
faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause
est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou
la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé
quelconque.
Article L131-4
(Loi nº 94-361 du 10 mai 1994 art. 6 Journal Officiel du 11 mai 1994)
La cession par l'auteur de ses droits sur son œuvre peut être totale
ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle
aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation.
Toutefois, la rémunération de l'auteur peut être évaluée
forfaitairement dans les cas suivants :
1º La base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être
pratiquement déterminée;
2º Les moyens de contrôler l'application de la participation font défaut;
3º Les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient
hors de proportion avec les résultats à atteindre;
4º La nature ou les conditions de l'exploitation rendent impossible l'application
de la règle de la rémunération proportionnelle, soit
que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des éléments
essentiels de la création intellectuelle de l'œuvre, soit que
l'utilisation de l'œuvre ne présente qu'un caractère accessoire
par rapport à l'objet exploité;
5º En cas de cession des droits portant sur un logiciel;
6º Dans les autres cas prévus au présent code.
Est également licite la conversion entre les parties,
à la demande de l'auteur, des droits provenant des contrats en vigueur
en annuités forfaitaires pour des durées à déterminer
entre les parties.